Le narguilé (narghilé, hookah) en société
L'acceptation sociale du narguilé (narghilé, shisha, hookah) ne laisse pas de surprendre maint observateur. Nous expliquons en partie cet étonnement par la nature même du tabamel, qui est le produit principalement consommé dans cet instrument. En effet, le tabamel associe un principe négatif matérialisé par le feu de la combustion du tabac qu'il contient mais tempéré cependant par une représentation positive du miel qui entre également dans sa composition.
Une pratique plutôt collective.
Les usagers de narguilé préfèrent fumer en groupe, ce qui permet l'exercice de la conversation et de l'attente ainsi que la participation collective au rituel de préparation et de la fume. Quand ils sont dépendants, il est remarquable qu'ils ne substituent généralement pas leur consommation de cigarettes à leur pratique. Une telle attitude dévoile ainsi l'existence de deux univers différents. Nous insistons sur la forme collective de la pratique du narguilé même si cette dernière est parfois individuelle. Cependant, même sous cet aspect, l'usage est une attente de l'arrivée de celui ou celle qui viendra s'asseoir pour écouter et partager.
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Par ailleurs, le narguilé (narghilé, shisha, hookah) se caractérise notamment par un " égalitarisme " triple : social, sexuel et religieux. Il tient au jeu mis en scène par le passe-passe du tuyau lequel représente aussi un partage symbolique. A cet égard, il importe de signaler ici que beaucoup d'amateurs de football télévisé, particulièrement en Egypte et en Tunisie, sont aussi des fumeurs de narguilé.
L'égalitarisme social du narguilé (narghilé, shisha, hookah).
Toutes les couches de la société sont concernées. Ce dépassement ou cette ignorance des frontières sociales a parfois donné à certains voyageurs l'illusion de sociétés " sans classes ", particulièrement dans l'Empire Ottoman. Pourtant, ce dernier était très compartimenté, selon des appartenances sociales, professionnelles ou religieuses. Une telle promiscuité sociale avait même inquiété les autorités politiques et religieuses. Ces craintes conduisirent d'ailleurs aux funestes épisodes d'interdiction du café et du tabac par Murâd IV lequel aurait ainsi désiré mettre fin à cette transgression des limites entre les groupes sociaux.
En Tunisie, la haute société semble par contre dédaigner le narguilé et la même évolution est perceptible dans d'autres pays comme l'Egypte par exemple. L'objet y apparaît de plus en plus comme le symbole des paresseux ou des 'durs'. L'exemple du fameux café cairote 'El-Fishâwy est ici pertinent puisque ce dernier fut fondé à l'origine par un chef de bande: " Sur le seuil, se tenait en permanence Hagg Fahmi 'el-Fishâwy, fumant son interminable narguilé " (G. 'el-Gîtâny).
L'égalitarisme sexuel du narguilé (narghilé, shisha, hookah).
Une devinette recueillie en Jordanie évoque la figure féminine du narguilé: Qui est cette princesse dans son palais, la main sur sa hanche posée ? (" 'Amîra fî qasrihâ ; wa yeduhâ 'elä hasrihâ ? ") Le fourneau est en effet pareil à une couronne ; le corps balustre, élégant et galbé, évoque celui d'une femme. Quant à la courbe du tuyau qui se love autour du mât, elle est comparable à la silhouette du bras. Enfin, le palais est une métaphore de l'ambiance dans laquelle se déroule une séance: coussins, tapisseries, végétation, etc. [... voir les publications pour la suite]
L'égalitarisme religieux du narguilé (narghilé, shisha, hookah).
Les croyants des trois religions monothéistes de la région ont durant des siècles fumé et fument encore aujourd'hui le narguilé de manière indistincte. Le parcours de la mosquée au café et vice-versa a constitué pendant très longtemps un itinéraire banalisé de la vie quotidienne. A une époque moins puritaine qu'aujourd'hui, il n'était pas rare de rencontrer dans les cafés des hommes de religion et en particulier des soufis. Quant aux festivités annuelles accompagnant le jeune rituel (Ramadân) très largement observé par les populations locales, elles ont fait du narguilé, et de nos jours en font encore, une vedette de la sociabilité arabo-islamique.
La convivialité spécifique du narguilé (narghilé, shisha, hookah).
Elle peut s'analyser à travers ses trois dimensions intrinsèques que sont le temps passé, la parole générée et le jeu associé, notions clés en sociologie et anthropologie.
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Une pratique domestique et publique.
La maison et le café constituent les deux principaux lieux d'expression de la convivialité du narguilé.
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Le narguilé (narghilé, shisha, hookah) dans les " cafés d'Orient ".
Des écrivains phares de la quotidienneté des sociétés arabo-islamiques aiment à parler des cafés qu'ils fréquentaient jadis. Le narguilé fut ainsi le témoin de joutes oratoires et de débats politiques et poétiques entre intellectuels dans des pays comme l'Egypte, le Liban, la Syrie ou l'Iraq. Et comment ne l'eût-il pas été, lui dont la fonction principale et hautement sociale, est précisément la conversation…
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Renouveau au Moyen-Orient et découverte ailleurs.
L'on observe actuellement un renouveau qui concerne aussi bien les sociétés d'Asie et d'Afrique que celles d'Europe, d'Amérique et d'Océanie. L'on assiste au développement de cafés que nous qualifions de néo-orientalistes. En effet, le narguilé est devenu, en raison de sa convivialité spécifique, le prétexte à leur apparition et à leur activité recherchée (voir la section de ce site sur les Lieux où l'on peut observer des fumeurs de narguilé)