Le tabac du narguilé
abamel, tumbâk et jurâk
Le produit fumé prend deux, voire trois, formes principales. La première est le tabamel. Il se nomme en arabe " mu'essel ", littéralement " miellé " ou " mielleux ", nommé ainsi en raison de sa composition à base de mélasse ou de miel utilisés comme agglutinants. La mélasse est un sous-produit du sucre. La seconde forme est le " tumbâk " qui est un tabac pur. Le " jurâk ", principalement d'origine indienne, peut être considéré comme un produit intermédiaire entre les deux premiers. Il est très apprécié dans la péninsule arabique. Des fruits et des huiles entreraient dans sa composition. Cependant, l'on nomme parfois jurâk un tabac mélassé mais non aromatisé, préféré par certains usagers. Le " Zeglûl " égyptien et le " Shîh 'el-beled " tunisien sont des marques de ce produit appréciées par ses amateurs.
Le tabamel est particulièrement destiné à la shîsha. Il s'agit, comme nous l'avons dit, d'un mélange de tabac et de mélasse, ou de miel, ou parfois de sucre et d'eau distillée, dans une proportion de un à deux et demi auquel on ajoute aujourd'hui de la glycérine et diverses essences. Ces dernières confèrent au produit des goûts et parfums extrêmement variés : à la pomme (très courant), à la fraise (marque égyptienne " 'En-nahla/'Ibyâry "), à la menthe (marque " 'El-'Esfahâny ", du nom de la ville iranienne d'Ispahan), etc. Une surenchère a même cours : raisin, pastèque, melon, rose (marque égyptienne " 'el-'Araby/Abajûra ", réglisse (marque " 'El-bâshâ ", littéralement, " Le Pacha ") Un amateur nous a signalé l'usage du pistou et Honoré de Balzac évoquait le patchouli… Dans certains pays, le choix est limité. Ainsi, en Jordanie, le produit de référence, parfois le seul sur le marché et proposé dans les cafés et restaurants, est le " Bahreyny " lequel, faut-il le souligner, n'est pas nécessairement manufacturé à Bahreyn.
Le tabamel se présente sous forme de boîtes en carton ou de pots en matière plastique. Les emballages sont en général illustrés avec des motifs floraux hauts en couleur représentant des fruits ou des jardins dans lesquels évoluent des personnages comme de braves sultans ou d'élégants pachas. Les proportions relatives de tabac, mélasse, fruits et épices sont dorénavant fournis au consommateur, soit en moyenne 30%, 50% et 20% respectivement. La durée de validité du produit est en général de deux années; les boîtes indiquent donc la date de production. Les classiques avertissements sanitaires que connaissent tous les fumeurs de cigarettes du monde, sur les risques de cancer du poumon et des maladies cardio-vasculaires, ont fait leur apparition depuis longtemps.
Le tumbâk. C'est un terme d'origine turque. Le mot persan est proche : " tumbeki ". Le mot tutun est parfois employé pour le désigner. Le tumbâk correspond à la variété nommée Nicotiana Alata Persica du sous-genre Petunioïdes de l'espèce Nicotiana Tabacum. Le tumbâk est fort en alcaloïdes dont la nicotine. Le plus utilisé actuellement est le " 'ajamy " produit notamment dans divers pays du Moyen-Orient. Schématiquement, le fumeur le passe préalablement à l'eau en le pressant plusieurs fois dans sa main puis l'essore, le nettoie et le tasse dans le fourneau du narguilé.
Aspects tabacologiques.
L'emploi de charbon de bois dans le fourneau génère du monoxyde de carbone dans de grandes proportions. Il est donc préférable de fumer dans un endroit bien aéré. Certes, en " lavant " la fumée, le narguilé débarrasse cette dernière d'un certain nombre de constituants nocifs comme l'acroléine, les aldéhydes et d'autres contribuant à l'apparition de cancers. Mais l'argument de la diminution du taux de nicotine, autour de laquelle s'est construit un certain " mythe ", fut récemment mis en question par une étude qui a établi que la quantité de cet alcaloïde retenue dans l'eau reste relative, surtout quand le fumeur titre, autrement dit, dose (inconsciemment) sa fume. Quoiqu'il en soit, en l'absence de résultats définitifs, des solutions existent ou restent à trouver pour rendre le narguilé plus " hygiénique " comme, par exemple, le développement d'un système d'allumage éliminant le risque de production ou d'absorption de monoxyde de carbone que le charbon de bois génère. L'usage d'embouts en plastique jetables se généralise.